SCOLARITÉ en LANGUE des SIGNES

 

 

 

Les critères d'un service d'éducation bilingue

Le terme d'éducation bilingue est utilisé avec des significations souvent très différentes. Pour certains, le bilinguisme consiste à faire appel à la langue des signes dans les petites classes, pour garantir un certain niveau de communication. Parallèlement, l'oral est travaillé et prend une place de plus en plus importante avec l'objectif de permettre finalement une scolarité en intégration individuelle. Cette démarche est très réductrice ; ce n'est pas ce "bilinguisme"-là que nous préconisons.

Les parents d'enfants sourds impliqués dans les quelques expériences françaises de bilinguisme (2LPE-Poitiers, IRIS-Toulouse, L.Clerc-Noisiel, …) ont établi les principaux critères qui définissent la spécificité de l'option bilingue:


Principes des classes bilingues


Objectifs

Ces classes proposent une scolarité adaptée aux enfants sourds qui reçoivent une éducation bilingue (langue des signes - langue française) dans leurs familles.

Elles visent à assurer à la fois l'intégration sociale de ces enfants, en les plaçant en milieu ordinaire, et la réussite scolaire, en leur proposant un enseignement spécifique, en langue des signes, adapté à leur mode de communication.

Les objectifs sont donc de permettre à ces élèves sourds d'atteindre les mêmes niveaux scolaires, au même âge et avec la même charge de travail que les élèves entendants de l'établissement.

Fonctionnement

Les élèves sourds participent à la vie scolaire (récréation, self, CDI, ateliers, …), sans accompagnement particulier. Pour les plus jeunes (école maternelle et primaire), il est souhaitable que l'équipe péri-scolaire (cantine, CLAE, ...) comprenne des éducateurs sourds.

Pour certaines matières (EPS, dessin, atelier en maternelle …), les élèves sourds peuvent être intégrés dans les classes de leurs niveaux, accompagnés de leur enseignant bilingue ou avec la présence d'un interprète, à la demande du professeur.

Pour les autres matières, ils constituent une classe spécifique d'élèves sourds. Les enseignements sont alors dispensés directement en langue des signes, par des enseignants sourds ou par des enseignants entendants bilingues. Ceci garantit que les conditions normales d'apprentissage seront respectées (compréhension des explications, interaction,…).
Les contenus de l'enseignement correspondent donc aux programmes officiels. Une pédagogie spécifique est pratiquée, en particulier pour l'acquisition du français (lecture, écriture) au primaire et pour l'enseignement des langues, français, langue étrangère et langue des signes ( la langue des signes est aussi enseignée, comme matière à part entière).
Ceci correspond aux objectifs fixés par les ministères depuis longtemps (mais rarement appliqués dans les établissements qu'ils contrôlent ) : « Sauf en ce qui concerne l'apprentissage et l'enseignement de la langue française, il n'y a pas lieu de formuler des programmes spécifiques /…/ Il ne saurait être question d'invoquer le retard dans l'acquisition de la langue française pour abaisser le niveau de l'enseignement dans les autres disciplines : le jeune sourd, gravement déficitaire sur le plan de la communication en français, est souvent comparable aux autres enfants dans d'autres domaines du développement, des aptitudes et des motivations ».

( circulaire n°87-08 du 7 septembre 1987, commune au Ministère de l'Education Nationale et à celui des Affaires Sociales et de l'Emploi)


Environnement

Un atelier "langue des signes" est proposé aux élèves entendants intéressés. Ils peuvent alors apprendre à mieux communiquer avec leurs camarades sourds, favorisant ainsi leur participation à la vie de l'établissement, et sont confrontés, dans un cadre positif, aux problèmes de la différence et du handicap.

Des élèves pouvant habiter loin de l'établissement (collège ou lycée), il est nécessaire d'organiser un système de familles d'accueil ou une structure d'hébergement (internat) pendant la semaine.

Enfin, en dehors du temps scolaire, les familles doivent pouvoir bénéficier d'un ensemble de services, pour leur permettre d'assurer cette éducation bilingue dans de bonnes conditions (éducation précoce, accompagnement parental, cours de langue des signes, aide au travail personnel, centre de loisirs).

Partenaires

Si à terme, il est souhaitable que l'Education Nationale assure la pleine responsabilité de cet enseignement, sa spécificité impose la recherche d'un partenariat conventionné avec différentes structures :

On constate que l'organisation de ce partenariat est difficile avec l'Education Nationale, celle-ci ayant du mal à accepter qu'elle ne sait pas tout faire et ayant des difficultés à associer des intervenants aux statuts variés.

Pourtant une analyse rapide montre à l'évidence que ce partenariat est indispensable dans la période actuelle. Il permettrait en particulier l'intervention immédiate de professionnels sourds, dont le rôle est indispensable.


Rôle et apport des intervenants sourds (enseignants, éducateurs)

Le rôle attribué aux intervenants sourds et leur responsabilité dans la conduite du projet éducatif et pédagogique sont importants. Vingt ans d'expérimentation (84-04) ont permis de valider ce choix et de préciser leur apport indispensable.

Particulièrement dans le cas des enfants sourds dont les parents sont entendants, l'éducation bilingue réalise une redistribution des tâches entre la famille et l'école et entre les parents et les enseignants sourds. Chacun garde bien sûr son rôle de parent et d'enseignant, mais plusieurs processus qui d'habitude se déroulent surtout dans la famille (acquérir une langue de qualité, apprendre certains comportements sociaux, …) vont ici se dérouler en partie à l'école. Dans l'approche bilingue, les enseignants sourds doivent donc être éducateurs en même temps qu'enseignants, de manière plus marquée que dans les autres approches éducatives.

Parmi les critères de qualité demandés aux enseignants sourds, on veillera donc à ce qu'ils aient une image d'eux-mêmes assez positive pour que l'enfant y trouve des repères éducatifs positifs. Le respect de ce critère est un des points commun aux structures bilingues actuelles.

Si être sourd ne suffit pas pour être totalement compétent et, en particulier, ne dispense pas de recevoir une formation (connaissances académiques et pédagogiques), cela confère cependant des possibilités d'intervention irremplaçables.

L'enseignant sourd est un référent pour l'enfant sourd. Il lui donne l'image d'un sourd adulte, instruit et intégré dans le monde entendant, puisqu'il joue le même rôle que les instituteurs entendants des autres classes de l'école. Il permet à l'enfant de se projeter dans l'avenir de façon positive. Il lui transmet surtout les "façons d'être" sourd, ce qu'aucun entendant ne peut faire (B. Mottez). C'est un élément fondamental pour la révélation et la constitution de l'identité de l'enfant.

Il est compétent en langue des signes. Cette compétence va intervenir à plusieurs niveaux :

L'adulte sourd est aussi un médiateur.

L'enseignant sourd est aussi un référent pour les parents.

Toutes ces fonctions sont indispensables. Elles ne peuvent être réduites ni cloisonnées dans le temps.

Les intervenants sourds sont les seuls à pouvoir les combiner avec la fonction d'enseignant.


Situation transitoire et partenariat

L'EN ne peut pas actuellement assurer seule une scolarité bilingue. Elle doit faire appel à des partenaires conventionnés qui permettent de résoudre 4 types de problèmes :

En résumé, l 'EN doit s'associer à des structures extérieures, parce que :

Ce partenariat doit être reconnu et conventionné.


  Analyse de la situation des structures bilingues

En 1999, à l'occasion des travaux du comité de pilotage mis en place pour concrétiser les propositions du rapport GILLOT, l'ANPES avait fait une analyse de la situation des structures bilingues :

Beaucoup d'éléments de cette analyse sont encore d'actualité .... (afficher ce texte)


La situation générale :

En 1996, le CNEFEI de Suresnes et l'ANPES ont chacun mené une enquête auprès d'une centaine d'établissements.

Elles montraient clairement que l'option éducative bilingue n'avait pas encore de réponse scolaire :

D'autre part,

Cette situation floue était révélatrice du besoin de clarification des termes utilisés (bilinguisme) , des objectifs éducatifs et pédagogiques des ces établissements et du rôle qu'y joue la LSF.

Peut-on dire, 10 ans après ces enquêtes, que la situation a fondamentalement changé ?

L'enquête de l'ANPES avait révélé aussi que, à la première sollicitation, 90% des établissements ne répondaient pas à l'obligation d'information des parents, pourtant très explicitement formulée dans le décret d'application de la loi de 1991.

Elle montrait enfin que la loi, en se focalisant sur des modes de communication et des méthodes, occulte le fait qu'il s'agit de deux choix philosophiques. Si chaque établissement se positionnait par rapport à ces choix, l'ensemble des interventions qu'il propose serait beaucoup plus cohérent.

Enfin il n'est pas inutile de rapprocher certains chiffres :