EDUCATION BILINGUE

 

voir aussi : 2 conférences : conf1 , conf2

 

 

Langue des signes

La langue des signes (LS) est une langue et non une technique de communication.

C'est une langue vivante et donc rattachée à une communauté qui pratique cette langue, à une culture dont cette langue est le principal support.

Une des caractéristiques de l'approche bilingue est la reconnaissance de cette communauté et la volonté des parents que le jeune sourd puisse être réellement membre de cette communauté, sans rien perdre de leur rôle ni de leur place de parents.

Bilinguisme

Il s'agit de la maîtrise et de la pratique de 2 langues, de leurs structures linguistiques et de la culture qui leur est associée. Cette maîtrise est une des conditions du développement et de l' intégration réussie du jeune sourd dans la société.

Il faut d'abord rappeler que les situations bilingues sont très répandues chez les entendants et qu'elles sont considérées comme des sources d'enrichissement sur le plan lingustique, culturel et bien sûr social (voir par exemple ref1 ou ref2).

Les deux langues n'ont pas le même rôle ni le même statut.

Dans l'éducation et dans la scolarité, le bilinguisme est un objectif qui devient progressivement une réalité. Il est évident que l'acquisition des 2 langues ne se fera pas au même rythme. De plus leur maîtrise n'atteindra sans doute pas le même niveau. Affirmer cela n'est en aucun cas la marque d'un manque d'ambition, mais une position réaliste et honnête.

Les parents doivent réfléchir à l'adéquation entre maîtrise et usage du français : quels objectifs de maîtrise du français, pour quoi faire ? Le français n'étant pas acquis naturellement, mais enseigné et appris via la lecture, sa maîtrise ne suit pas le même déroulement que pour les jeunes entendants. Dans ces conditions, jusqu'où peut-on accepter qu'il joue, dans la scolarité et dans la vie sociale des jeunes sourds, le même rôle que dans celle des entendants ?

Enfin rappelons qu'il ne faut pas confondre maîtrise d'une langue et modalités d'utilisation de cette langue : la modalité orale n'est pas adaptée aux sourds, ni en réception (lecture labiale), ni en émission. Ca ne veut pas dire que les sourds ne doivent pas parler ; c'est un choix individuel. Mais on ne peut pas conditionner l'éducation ou la scolarité à la maîtrise de l'oral.

Afin d'éviter toute ambiguïté, on parlera d'éducation bilingue et biculturelle, pour désigner une éducation qui vise à rendre l'enfant sourd bilingue et intégré dans la société. Dans le cadre scolaire, plutôt que de parler de bilinguisme, on parlera d'enseignement en langue des signes et en français, pour indiquer que la langue des signes est la langue de communication et des échanges dans la classe et que le français est également présent (au tableau, dans la prise de notes, dans les documents) : outil pédagogique et composante du développement culturel. De plus, les matières « langue française » et «langue des signes » sont également enseignées.

Intégration

L'intégration est à la fois un objectif social, qui rejoint l'objectif de citoyenneté, et une forme d'organisation scolaire. Dans ce dernier sens le mot intégration recouvre de nombreuses réalités : tout le monde « fait de l'intégration », mais on ne sait plus ce que cela veut dire.

 


Référentiels

Le choix de l'éducation bilingue est basé sur le double regard que les parents et la communauté sourde portent sur ces enfants.

L'enfant sourd

L'enfant sourd est avant tout un enfant.

Un large consensus existe au sujet des enfants, de leur processus de développement et des conditions d'un bon développement. Mais dès qu'on parle des enfants sourds, toutes ces vérités disparaissent. On ne voit plus qu'une déficience qu'il faudrait à tout prix compenser, quelles que soient les répercussions sur la vie personnelle de l'enfant. Tout cela au nom d'une future intégration sociale et professionnelle, d'ailleurs rarement atteinte, comme si la vie sociale du sourd ne commençait qu'à 20 ans.

Les premières prises de position de parents en faveur de l'éducation bilingue, il y a une vingtaine d'années, se sont surtout produites en réaction contre les résultats négatifs de l'éducation et de la scolarité des enfants sourds.
Actuellement la démarche est plus positive : les parents justifient leur choix parce qu'ils portent un regard positif sur leur enfant, son identité, ses potentialités. Tout ce qui est admis pour un enfant, en général, est vrai aussi pour un enfant sourd.

D'ailleurs, dès 1988, le législateur allait dans le même sens en séparant, dans l'annexe 24 quater, l'éducation des aveugles, visant plutôt la compensation du handicap, de celle des sourds, qui relève d'une démarche pédagogique adaptée.
Un autre document (ref), réalisé à la même époque par des personnalités reconnues, relevait à plusieurs reprises cette nécessité de prise en charge globale et centrée sur les potentialités de l'enfant sourd.

Les arguments en faveur d'une utilisation précoce de la langue des signes ont pu s'appuyer sur des études provenant de différentes disciplines (par exemple : Rey, Lane, Sacks, Cuxac, Mottez) (références de ces articles)

Citoyen sourd

Les éléments précédents permettent de justifier le choix en faveur de la langue des signes.
Sa mise en oeuvre, la définition des objectifs éducatifs et scolaires, l'évaluation de cette éducation, font appel à d'autres considérations.
Ici le regard de la communauté sourde est essentiel. Seuls les sourds adultes, vivant quotidiennement l'intégration sociale avec ses difficultés, ses obstacles et ses réussites, peuvent nous dire ce qui est important pour être réellement un citoyen sourd :

La non prise en compte de cette dimension aboutit à des absurdités. L'exemple le plus frappant a été fourni par la non-mise en œuvre de la loi de janvier 1991 : d'une part on a autorisé une éducation basée sur la langue des signes, mais d'autre part on n'a prévu aucune disposition ni aucun plan de formation adapté pour permettre à des sourds d'intervenir dans cette éducation. Plus de 10 ans après la promulgation de la loi, les étudiants sourds n'avaient toujours pas le droit de se présenter au CAPES! Le financement des interprètes n'est toujours pas assurécorrectement dans les établissements accueillant des sourds, élèves ou enseignants. Le rôle de la LS dans la scolarité et celui des enseignants sourds dans la pédagogie commence seulement à faire l'objet d' étude impliquant le ministère de l'Éducation Nationale. La loi de février 2005 a réaffirmé le droit de choisir une scolarité bilingue et a reconnu la langue des signes. Sa mise en application sera-t-elle aussi virtuelle que la précédente ?

Le Sourd est un citoyen à part entière au même titre que tout autre citoyen de notre pays. Cela suppose des droits et des devoirs, mais aussi des conditions matérielles pour pouvoir exercer cette citoyenneté. Cela suppose que le regard des autres citoyens et celui de l'État sur la personne sourde doit changer.

La citoyenneté ne commence pas à l'âge adulte. Elle doit se vivre au quotidien dans la scolarité. L'enfant doit se sentir citoyen et doit voir que les adultes sourds qu'il côtoie, notamment ses professeurs, ses éducateurs ou éventuellement ses parents sourds, sont considérés comme des citoyens, responsables et respectés.